Le Groupe PS a déposé plusieurs propositions invitant le Gouvernement à être plus volontariste et courageux sur la question du Proche-Orient. Ces textes incitent la Belgique à participer à la recherche d’une solution pacifique entre Israël et la Palestine fondée sur la coexistence de deux États démocratiques et indépendants, ayant le droit de vivre en paix et en sécurité avec des frontières mutuellement reconnues, acceptées et respectées.
Nous n’avons pas été suivis par la majorité qui a préféré déposer un texte global timoré. Prenant acte du rejet de ses textes, le Groupe PS a décidé de mener un travail d’opposition constructive en déposant différents amendements afin d’améliorer la proposition de la majorité et pour que la Belgique puisse œuvrer à une relance concrète du processus de paix au Proche-Orient.
Le Groupe PS réclamait notamment que la Belgique prenne des attitudes fortes sur la question de l’étiquetage des produits issus des colonies, du gel des colonies israéliennes et sur la problématique des détentions administratives. La majorité a voté ces amendements qui font désormais partie intégrante du texte final.
Malgré l’adoption de ces amendements essentiels, la proposition de résolution de la majorité reste trop faible et manque d’objectifs forts et concrets, notamment sur la reconnaissance immédiate de la Palestine en tant qu’État à part entière ainsi que sur la compensation pour les projets financés par la Coopération belge au développement et détruits par les autorités israéliennes.
Le conflit sans fin au Proche-Orient a fait souffrir des générations de civils palestiniens et israéliens qui n’ont jamais connu la paix et la sécurité. La cessation de toutes les violences et de toutes les atteintes au droit international ainsi qu’une reprise urgente et effective des négociations sont indispensables pour espérer une solution à long terme pour toutes les parties.
Le Groupe PS le déplore, voilà pourquoi nous nous sommes abstenus donc lors du vote en séance plénière.
Lire l’entièreté de mon intervention :
Proposition de résolution (Mme Nele Lijnen, MM. Tim Vandenput, Peter Luykx et Jean-Jacques Flahaux et Mme Els Van Hoof) sur l’appui de la Belgique à une relance du processus de paix au Proche-Orient 54K197
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,
Comment la Belgique peut-elle, à son échelle, relancer le processus de paix au Proche-Orient ?
Comment la Belgique doit-elle se positionner vis-à-vis d’Israël et de l’Autorité palestinienne en tenant compte d’un contexte historique et d’actes de provocations qui se multiplient ?
Comment réaliser effectivement une solution pacifique fondée sur la coexistence de deux Etats démocratiques et indépendants, ayant le droit de vivre en paix et en sécurité avec des frontières mutuellement reconnues, acceptées et respectées ?
Voilà quelques-unes des innombrables mais essentielles questions auxquelles la commission des Relations extérieures a tenté de répondre.
Il aura fallu être patient avant de voir le débat s’ouvrir.
En effet, la majorité s’est montrée très frileuse … ne voulant pas aborder le sujet avant que le Ministre Reynders finalise une mission en Israël / Palestine.
On peut evidemment regretter de voir notre agenda parlementaire aussi dépendant du bon vouloir gouvernemental mais soit …
La majorité a finalement déposé une résolution sur le « processus de paix au Moyen-Orient ». Je tiens à saluer la démarche et l’ouverture qui a été faite vis-à-vis de l’opposition dans ce cadre.
Mais je veux aussi rendre à César ce qui lui revient ! Sans les initiatives de l’opposition et sans notre ténacité, jamais ce texte n’aurait vu le jour.
Sans les différentes propositions de résolution de mes collègues et moi-même sur :
– Les détentions administratives de prisonniers palestiniens dans les prisons israéliennes ;
– La reconstruction de Gaza ;
– Les suites à donner à la destruction de projets de développement belges dans les territoires palestiniens par le gouvernement israélien.
… jamais cette résolution discutée aujourd’hui n’aurait existé.
Sans la mission de la section de l’Union interpalementaire Belgique/Palestine que j’ai présidée cette année jamais cette résolution ne serait arrivée sur nos bancs. En effet, les participants à cette mission, représentant la plupart des partis de notre assemblée, ont, dès février 2016, plaidé pour un soutien de la Belgique à l’initiative française visant la paix au Proche-Orient.
Je veux donc saluer ce travail.
En effet, même si les textes de l’opposition ont finalement été rejeté en commission … ils auront permis d’amener la majorité à écrire cette résolution. Enfin… pas tout à fait la résolution qui se trouve aujourd’hui sur nos bancs…. La 1ère version était en effet … beaucoup plus timorée. Mais grâce à un travail d’opposition constructive, plusieurs amendements essentiels ont pu être déposés pour renforcer le texte initial de la majorité.
Sur ce point, j’aimerais– une fois n’est pas coutume – remercier mes collègues , auteurs de cette résolution, d’avoir étudié sérieusement ces amendements. Plusieurs ont d’ailleurs été adoptés en commission et font partie intégrante du texte dont nous parlons ce soir.
Le travail que nous avons effectué ensemble permet à notre commission de renouer avec une longue tradition de concertation majorité/opposition.
Car cette résolution avait un rôle important : encadrer l’action diplomatique et de Développement de notre pays dans la région à l’heure où Israël pourrait légaliser ses colonies en Cisjordanie et où nous devons reconnaitre que le « processus de paix » semble inexorablement dans un cul de sac.
Pourtant nous ne pouvons pas nous contenter de baisser les bras, de diminuer nos efforts diplomatiques, de faire comme si « de rien était » ou de nous donner bonnes conscience en faisant des communiqués de presse ou des résolutions.
L’heure est aux actes afin d’aboutir maintenant – et non pas à un « moment opportun » hypothétique – à une solution durable de paix.
Une solution durable qui se doit de mettre fin à la souffrance humaine de générations de civils palestiniens et israéliens qui n’ont finalement jamais connu la paix et la sécurité dans ce conflit sans fin.
Le conflit au Proche-Orient mine, depuis plus d’un demi siècle, les relations internationales, la stabilité de cette région voisine de l’Europe et surtout la vie des populations palestinienne et israélienne. Trop de sang a coulé dans ce conflit.
Cette situation est une source globale de radicalisation indéniable ayant des conséquences mondiales.
Face à ce conflit qui perdure, la Belgique a toujours été l’adepte d’une approche respectueuse du droit international, visant à la reconnaissance du droit à l’autodétermination du peuple palestinien, qui passe notamment par la fin de l’occupation des territoires palestiniens occupés, ainsi que du droit à la sécurité de l’État d’Israël et de ses habitants. Nous ne pouvons que condamner tout acte de violence, quel qu’il soit.
Demander à l’ensemble des parties de respecter l’Etat de droit n’est certainement pas une provocation. Critiquer certaines politiques d’Israël ce n’est ni être contre cet Etat, ni ne pas reconnaitre son droit à la sécurité et à garantir la protection de ses civils… C’est simplement exiger de cet Etat de droit, membre de l’ONU, qu’il respecte le droit international.
Aucun Etat n’est au-dessus du droit international. Quel qu’il soit. Dès lors, comme ce fut le cas dans lors de l’opération « Bordure protectrice » comment pourrait-on ne pas condamner le recours disproportionné – dénoncé vivement par l’ONU elle-même – à la force ? Comment pourrait-on fermer les yeux sur la mort d’autant de civils de part et d’autre ? Comment pourrait-on ignorer toutes les atteintes répétées au processus de paix comme dernièrement quand Israël cherche à légaliser ses colonies ?
Mon Groupe n’a de cesse de le répéter : seule la reprise urgente et effective des négociations en vue de parvenir à une solution fondée sur la coexistence de deux Etats, avec l’Etat d’Israël et l’Etat de Palestine indépendant, démocratique, d’un seul tenant, souverain et viable, vivant côte à côte dans la paix et la sécurité, peut constituer une solution de long terme.
Alors penchons-nous sur le texte de la majorité.
Je dois bien reconnaitre mes chers collègues qu’entre notre débat ici même sur la reconnaissance que mon Groupe aurait voulu immédiate de la Palestine il y a plusieurs mois et ce texte-ci, vous avez fait du chemin.
L’adoption notamment de plusieurs amendements socialistes a permis de sensiblement renforcer un texte de base qui était largement insipide :
- L’ajout du considérant H qui rappelle que notre pays ne reconnaît aucune modification du tracé des frontières d’avant 1967 ;
- L’ajout du considérant I qui indique que la colonisation israélienne est illégale au regard du droit international ;
- Le points 4 fait maintenant référence à « l’approfondissement » de la politique de différenciation entre les colonies israélienne et Israël ;
- Les point 5 et 6 qui font référence au besoin de mise en œuvre des lignes directrices, de la communication interprétative de l’UE et de la recommandation du SPF économie comme mon Groupe le demande depuis des mois ;
- Le point 8 qui demande l’ « arrêt immédiat » de la colonisation, équivalente à un gel, qui s’impose à nous si on souhaite encore sauvegarder les dernières chances de voir la solution à deux Etats se concrétiser un jour ;
- Le point 12 qui fait référence aux élections, sans cesse reportées et qui sont plus que jamais nécessaires pour redonner une légitimité à l’Autorité Palestinienne et ses leaders ;
- Le point 15 qui demande la levée du blocus de Gaza.
- Et enfin le point 17 qui permet l’inclusion du paragraphe complet au sujet des détentions administratives. Un point qui me tient particulièrement à cœur étant donné ma proposition de résolution déposée sur ce sujet. Les précisions apportées permettront certainement de mieux orienter notre diplomatie lorsque le sujet des détentions est abordé avec les autorités israéliennes et nous rappelons également l’importance de garantir le droit des Palestiniens à un procès équitable.
Malgré toutes ces avancées que je salue, le problème est que, mes chers collègues, nous sommes dans une situation qui demande de véritables engagements forts pour la paix. Face à une situation qui s’enlise et s’empire depuis tant d’années, face à une situation géopolitique régionale explosive, face à l’élection d’un président américain tel que M. Trump, nous devons, je pense faire preuve d’encore plus de courage.
Je suppose que, une nouvelle fois pour cette majorité, le « moment opportun » n’était pas venu :
– Comment comprendre, autrement, la contradiction qui figure dans le point 4 concernant la politique de différenciation ? On ne peut demander d’approfondir la politique de différenciation et, en même temps, demander que cela ne cause aucune baisse des investissements en Israël pour les entités dont tout ou partie des activités se situent dans le territoire palestinien occupé ! Vous avez refusé l’amendement de mon Groupe supprimant la fin hypocrite d’une telle demande. Mon Groupe ne remet évidemment aucunement en question nos relations commerciales avec l’Etat hébreu dans ses frontières reconnues par notre pays. Mais ces relations doivent se faire dans le respect du droit international et des directives belges et européennes qui existent mais ne sont pas appliquées dans les faits par ce gouvernement.
La conséquence de votre hypocrisie est que vous exposez les sociétés belges à de lourdes conséquences économiques et pressions diverses simplement lorsqu’elles appliquent ces directives. L’absence de cadre/courage politique en la matière est dangereuse et mène à des tensions inutiles.
L’amendement déposé ce jour par mon collègue De Vriendt, que j’ai cosigné, permet d’améliorer cet aspect.
– Néanmoins, vous refusez toujours d’envisager la mise en œuvre, en Belgique, d’un mécanisme obligatoire d’étiquetage des produits issus des colonies, d’un mécanisme effectif de contrôle et d’ouvrir, également, la possibilité d’éventuelles sanctions en cas de non-respect du droit international. Je pense que cela, à nouveau, ne renforce pas notre position et certainement pas le droit international.
– Je pense que le plus problématique est largement le point 10. J’aimerais vous lire cette demande car sa simple lecture montre le surréalisme de celle-ci, accrochez-vous : « d’entreprendre dès à présent, en concertation avec les pays européens concernés et, le cas échéant, de façon bilatérale, des initiatives diplomatiques pour amener le gouvernement israélien à accepter le principe de compensations pour la destruction de projets de développement financés en tout ou en partie par la Coopération belge au développement ; ».
En résumé, Israël détruit des projets de Coopération financés en toute légalité par notre pays et nous nous leur demandons d’accepter le principe de compensations. Ce n’est plus de la diplomatie mais de l’abnégation !
De plus même si le mot « bilatéral » est présent, il se cache une nouvelle fois derrière l’Europe et surtout aucun délai n’est présent dans cette demande.
Ces destructions sont, pour le Groupe PS, intolérables et les déclarations de l’ambassadeur israélien (voir ici) parlant d’un « malentendu » le sont tout autant. Le temps est à l’action diplomatique sur le plan bilatéral !
Vous-mêmes, dans la demande 9 tirez la conclusion que ces destructions sont inacceptables, alors qu’attendez-vous pour agir ?
– Enfin, le point 15 ne fait pas de référence au caractère illégal du blocus de Gaza. Cela aurait apporté un poids supplémentaire à notre demande de le voir levé.
Ce texte est également muet sur deux problématiques qui tiennent à cœur à mon Groupe.
Premièrement je pense évidemment à la reconnaissance formelle et immédiate de l’Etat de Palestine à côté de l’Etat d’Israël par la Belgique. La Belgique a choisi de ne pas suivre l’exemple suédois.
Une telle reconnaissance aurait pourtant été une contribution concrète de la Belgique à la solution fondée sur la coexistence de deux États démocratiques et indépendants, ayant le droit de vivre en paix et en sécurité avec des frontières mutuellement reconnues, acceptées et respectées.
Deuxièmement, j’aurais voulu que notre pays assure un soutien aux familles des prisonniers en détention administrative pour l’exercice de fonctions liées exclusivement à des projets développés et financés par notre Coopération au Développement bilatérale indirecte, directe ou dans le cadre de notre Coopération au Développement multilatérale.
Pour toutes ces raisons, et comme je l’ai dit en commission, je m’abstiendrai au moment du vote en plénière sur ce texte.
J’aimerais terminer en soulignant que l’UE et la Belgique ont vocation à être des acteurs de paix et d’aide au développement humain dans son voisinage méditerranéen dont fait partie le Proche-Orient.
Notre objectif ne doit pas être simplement de « constater » ceci ou de s’ « indigner » de cela.
Plus que les mots, il nous revient d’agir.
Je pense bien évidemment à l’action de notre gouvernement mais aussi à la diplomatie parlementaire qui doit être là pour créer des ponts mais aussi pour relayer les difficultés de nos coopérants, des ONG mais aussi des centaines de victimes civiles, de détenus arbitraires et de réfugiés.
Regardons en face cette souffrance pour motiver nos actions diplomatiques et de Coopération plutôt que de se contenter de constater gentiment et d’ensuite reconstruire ce qui a été (et le sera à nouveau) détruit sciemment par des acteurs qui trouvent leurs intérêts dans le statut quo.
Seule une solution politique négociée avec le soutien de la communauté internationale et de l’UE peut apporter une solution durable.
En attendant le redémarrage et surtout l’aboutissement de ce processus de paix que nous appelons de nos vœux, il s’agit de répondre aux manques criants touchant les civils comme dans la bande de Gaza et de faire d’une priorité de notre diplomatie la recherche d’une solution durable et acceptable par tous.
Je vous remercie pour votre attention.